Des états qui gèrent leurs économies comme des entreprises

 

                                     

Les contraintes qui s’imposent  aux politiques économiques depuis  la crise de 2009 concernent la  majorité  des états. Augmentation des niveaux de chômage, déficits publics, déficits extérieurs (à l’exception de la Chine, l’Allemagne, le Japon, la Norvège ….),  niveau d’inflation très surveillé  et taux d’intérêt à un niveau si bas qu’il n’y a pratiquement plus de marge de manœuvre.

L’idée que nous suggérons dans cet article est que  les gouvernements ont  de plus en plus tendance  à diriger leurs économies mondialisées  sur la base d’une vision,  selon laquelle, l’économie doit être pilotée de la même manière  qu’une   entreprise.

L’analyse faite  par  beaucoup de  gouvernements  se fonde sur  de l’idée que seule la demande extérieure pourrait  relancer l’investissement  domestique  et donc l’emploi puis la consommation.

Cela se concrétise  par des  objectifs, de baisse des coûts salariaux,  de hausse de   productivité, d’économies d’échelle et  de  salaires constants,  pour permettre aux exportateurs d’être plus compétitifs.  Ces objectifs  contribuent d’ailleurs  à maintenir le  taux d’inflation  à un taux  conforme aux recommandations. Parallèlement, la politique monétaire doit veiller à ce que la monnaie nationale ne s’apprécie pas  trop par rapport  aux monnaies des pays importateurs (à tel point que certains ont proposé la sortie de l’euro pour les pays les plus déficitaires). Dans les faits tous ces objectifs s’inscrivent  dans  le cadre d’une forte intention de maîtriser le périmètre international  dont dépend  l’économie.

Dans l’hypothèse où  tous  les gouvernements  appliquent  en même temps   une telle  politique économique,  la  reprise de la croissance  s’avère   difficile :  le moteur de  la demande ,  la  consommation,  ne démarrant pas et les perspectives d’investissement restant faibles. Une politique de relance mondiale  nécessiterait un accord  commun entre tous les  gouvernements ce qui, à ce jour, relève de l’utopie.

La question posée  est  donc de savoir si le système économique n’est  pas aujourd’hui  dans une  configuration  où chaque pays  veut,

–   exporter plus qu’il   importe,

–   maintenir  sa  masse salariale constante

–   maîtriser ses taux de change

–   attendre des hausses de salaires  dans les pays importateurs

 

On   constate  également   une  forme de   protectionnisme  aussi subtil et complexe que le furent les  montages marketing  des  sub-primes. Dans les années 80, on justifiait le protectionnisme des  activités  naissantes par l’argument de « l’industrie dans l’enfance » ;  il y a  aujourd’hui un protectionnisme de l’ « industrie dans la vieillesse »  motivé par les impacts sociaux, causés par les disparitions potentielles  de grandes unités de production.

Une telle configuration de politiques économiques relève évidemment de l’intention puisque d’un point de  comptable   ex post, tous les pays  ne peuvent avoir une balance commerciale positive sur la même période.

On  est  donc face à  une contradiction bloquante qui échappe aux théories  de l’échange international : coûts comparatifs, dotations en facteurs (capital, travail, ressources naturelles)  et  économies d’échelle. Il faut désormais intégrer le fait que les entreprises et les politiques économiques adoptent des stratégies  visant à maîtriser  de manière proactive les marchés sur lesquels elles opèrent. Ces comportements  sont en cohérence avec le fonctionnement des marchés imparfaits et incertains.

Les théories,  se basaient sur  un comportement d’entreprise  plutôt passif. Ce qui ne ressemble pas aux objectifs des  entreprises mondialisées qui ne veulent pas être  des  « price taker ».

Si l’on exclut  le scénario utopique d’une  gouvernance mondiale   dans  laquelle  tous les pays augmenteraient  en même temps leur   niveau  de  salaire, les  possibilités de revenir  vers le plein emploi demeurent aujourd’hui limitées. On peut néanmoins envisager  des hausses de salaires réels imposées   à la suite   de conflits sociaux dans les régions  où le taux de chômage  demeure relativement faible. A  fin 2010, les résultats financiers des grandes compagnies sont en nette amélioration, ceci peut  contribuer  à  favoriser des accords salariaux à la hausse. Mais les déficits publics n’encouragent pas les hausses de salaires à cause de l’effet de propagation du public vers le privé et ce, d’autant plus que dans les budgets  nationaux, la part des salaires n’a cessé de croître par rapport aux budgets d’investissements.  Conjointement  le niveau d’incertitude des ménages est toujours très élevé,  et  pourrait s’estomper avec le temps.   Des politiques de grands travaux  lancés  dans des pays dont les budgets publics ne sont pas trop déficitaires ou qui disposent d’un stock de capitaux  importants  pourraient également relancer la demande mondiale. On doit aussi envisager les conditions  purement électorales relatives aux revenus, mais le plus probable demeure néanmoins  une   reprise  lente  et  géographiquement  localisée.

Une reprise de l’inflation permettrait de  résorber  plus rapidement les déficits publics. En toute logique c’est vrai, mais  il n’est pas sûr que l’on puisse aujourd’hui la «  réactiver»  dans un contexte de forte  concurrence à l’internationale  et  aussi parce que  beaucoup de gouvernements en ont peur. Les hausses de prix des matières premières auxquelles on assiste ces derniers mois ne doivent pas être assimilées au processus d’inflation qui, par définition, est une hausse  de long terme du niveau générale des  prix.

Au plus fort de la crise, on a pu constater que la chute relative   du commerce extérieur mondial était supérieure à celle des PIBs. On  peut alors comprendre que réciproquement,  l’idée selon laquelle, la reprise du commerce mondial  est la solution  de la reprise de la croissance  renforce la volonté de s’appuyer sur les exportations pour tirer les croissances internes (même si en réalité l’explication  réelle de ce phénomène est due en partie aux  échanges de  produits intermédiaires).

 

Bernard Biedermann

Conjoncture et décisions

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