L’Homo Oeconomicus dans l’idéologie du monde

Le domaine de l’économie  est par excellence celui de l’interdépendance. Interdépendance interne, (prix, consommation, production, emploi, taux d’intérêt, épargne,…), interdépendance externe (géographie, climat,  institutions politiques, progrès technique, équilibre en politique international,…). Dans cet article nous proposons de manière très concise  de considérer  l’environnement de l’homo oeconomicus comme une idéologie  limitée aux  influences qu’il subit  dans ses décisions  de travailleur, de consommer  et d’épargner ;C’est-à-dire, tout ce qui vient de l’extérieur,  joue sur ses décisions d’optimisation  de son  niveau de satisfaction et contribue à ce que l’on appelle le mode de vie.

Nous nous inspirons de la formule, d’Henri Lefebvre  issue de «  La vie quotidienne dans le monde moderne ,1968 », «  la publicité prend l’importance d’une idéologie. C’est l’idéologie de la marchandise ».

Mais si l’on  souhaite  une  vertu   explicative, du point de vue de l’économiste, on  devra  simplifier et se limiter à  quelques ascendants idéologiques. Nous en  suggérons quatre :

–        Le comportement d’athée

–        La sécurité tous azimuts

–        Les injonctions paradoxales

–        Le nomadisme géographique et virtuel

                                                     Le  comportement d’athée

Dans l’Euphorie perpétuelle, Pascal   Bruckner  explique en substance, que l’homme moderne adopte un comportement d’athée. Lorsque la religion est  une idéologie forte,  l’individu pense que tout ce qui lui arrive résulte  des décisions venant  de (ou des) dieux. Aujourd’hui , dans les sociétés occidentales la majorité  des individus, même s’ils reconnaissent leur appartenance  à une religion, se comportent comme si le paradis n’était plus la « solution »ou  la « compensation » de ce qu’il leur arrive de négatif  sur terre. Ils doivent donc être heureux  avant de mourir ; ils en sont libres et  cet objectif passe par la réussite matérielle. Nous ne sommes plus au moyen âge, l’espérance de vie a été multipliée par deux. L’homo œconomicus doit en quelque sorte  planifier sa vie,  que ce soit de manière collective ou individuelle. Associée à  l’esprit individualiste, la réussite matérielle engendre des classes sociales voire des castes lorsqu’elles sont pérennes. Cette projection dans le temps se concrétise par  une nécessité d’éviter tout ce qui   peut rapprocher de la mort : guerres, maladies, pauvreté, accidents, en  choisissant des actes économiques sécurisés.

                                                            La sécurité  tous azimuts

A l’occasion d’une conférence organisée par l’Association des Journalistes Economiques et Financiers, Denis Kessler   démontre  que  plus  de la moitié de la valeur  du PIB   de nos systèmes économiques   et plus ou moins directement liée à la sécurité  prise dans son sens    le plus large.

Défense nationale, polices, assurances, cotisation chômage, santé  pour lesquels le motif de sécurité est  primordial .Dans   les produits et service la part des  composants , caractéristiques et fonctionnalités  de sécurité  est considérable comme  dans l’automobile, l’électroménager, l’alimentaire ,les produits de lutte  contre le vol,  l’aménagement  des routes  , les signalisations urbaines sans oublier la  presse spécialisée  et les messages diffusés dans l’éducation dans et la formation.

Ainsi,   l’homo œconomicus  consacre une partie considérable de son temps de travail  à sa  protection. Il n’y en  a  pas  toujours été ainsi dans notre  passé  et  ce n’est encore le cas  dans les pays en voix de développement.

                                                              Les injonctions  paradoxales

Au quotidien l’homo œconomicus est sollicité  par une pluie  de messages,  plus ou moins directs, plus ou moins subtils, dont on constate qu’ils sont le plus souvent  paradoxaux. Ces messages s’appuient sur l’argumentation  scientifique, l’esthétique, la flatterie  ou l’humour.

On l’incite à consommer beaucoup  mais les banques et les institutions financières lui rappèleront qu’il doit  épargner pour assurer son avenir.

Sa réussite professionnelle s’appuie sur une grande quantité de travail mais aussi  sur l’oublie  des congés et des week-ends. Les pubs, et depuis peu un grand  nombre  d’émissions de télé culinaires  lui mettent l’eau à la bouche mais,  à condition de  consommer avec modération. Des  recommandations plus politiques  participent aux  discours : pour protéger l’environnement, faites du vélo, fuyez les villes, vivez dans la nature, découvrez d’autres pays, minimisez les déplacements  mais n’oubliez  pas  la prime à la casse  si vous achetez un   nouveau véhicule.

Ainsi, la santé, les plaisirs, l’organisation  matérielle  et qualitative de la vie familiale  dans le temps et l’espace,  font  l’objet d’injonctions paradoxales que l’homo œconomicus  transforme en choix dans un sentiment de liberté. Tout au long de la vie, la variété  et le caractère contradictoire des messages  ont pour effet  de  façonner des personnalités de consommateur parfois irrationnel  et de constituer des groupes  de profils.

                                                   Un  nomadisme géographique et virtuel

Avec le temps, le développement, la croissance économique, le progrès technique et la division du travail  ont modifié la capillarité géographique du tissu économique. Cette évolution s’est traduite par une  concentration du capital, une forte augmentation de la taille des entreprises et un éclatement géographique des différentes fonctions de l’entreprise. Les villes continuent à se développer, imposant à l’homo œconomicus de  vivre comme  un nomade, dans le cadre de sa vie professionnelle, familiale et de  loisirs,  à tel point que l’on parle « d’hypermobilité, …inscrite dans l’existence, dans le quotidien, sans que quiconque songe à s’en étonner. …Ce sont, les cinquante kilomètres matin et soir pour se rendre sur son lieu de travail ;….les trajets pour déposer les enfants à l’école ;…les week-end ;… les vacances …. » (Philippe Dessertine, La dépression). L’offre de biens et service liés à la mobilité va bien au-delà des moyens de  transport. Les évolutions de l’offre et des prix de l’immobilier, de  l’hôtellerie, de la restauration, des télécommunications, de l’information, de l’énergie, des services de logistiques, résultent également du nomadisme. Dans les faits et les processus de décisions de l’homo œconomicus, offreur ou demandeur, tous ces produits et services  doivent être   perçus comme économiquement complémentaires, ce qui, milite en la faveur de l’idée d’inertie de la nature des choses. (Voir, Consommation : inertie et  fluctuations, https://theoreco.com/consommation_inertie_et_fluctuations.doc  in Conjoncture et décisions). Les frontières entres les usages des produits sont devenus  flous. L’automobile   souvent qualifiée de mythe au même titre que les cathédrales est « depuis plus de cent ans plus qu’un instrument  de transport : un marqueur de statut social, un moyen de liberté de circulation et de découvertes, un lieu de réunion, un carrefour de choix politiques et sociaux »  (Pierre-Cyrille Hautcoeur).

Le contenu de cet article a été intégré dans l’essai « Le numérique, c’est l’économique » accessible par l’article : Le numérique, c’est l’économique, en tête du blog :    

https://www.theoreco.com/macroeconomie-mondialisation/le-numerique-cest-leconomique-683.html 

Bernard Biedermann

Conjoncture et décisions

                                                                                                                                        https://theoreco.com

Octobre  2012

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